vendredi 5 avril 2013

Chapitre 1 (Par Darklulu)


 CHAPITRE I



Frédéric n’était pas le genre d’homme à s’en remettre au hasard. Dans sa conception de la vie, d’ailleurs, ce dernier n’existait même pas. Le destin n’était pour lui qu’une vue de l’esprit, une idée, un concept, qui servait de béquille à ceux qui n’avaient pas le courage d’affronter les difficultés de la vie, rendues nombreuses par une crise qui prenait des proportions internationales.

Son petit deux pièces dans le XVIème arrondissement de Paris était à l’image de sa propre vie : organisé, propre, et bien rangé. Il ne recevait que très rarement, et quand cela se produisait, c’était en général parce qu’il n’avait pas d’autre choix. Ses amis étaient inexistants, et son entourage, c’était ses collègues de travail, des personnes qu’il supportait parce qu’il y était obligé.

Frédéric vivait sa solitude comme une réclusion volontaire, et les autres, la masse grouillante de ses semblables, dont la promptitude à juger n’était plus à démontrer, l’avaient classé dans la catégorie des « no-life », ou, autrement dit, des ermites des temps modernes.

Les raisons de son isolement étaient peu nombreuses, mais suffisamment importantes pour qu’elles aient pris le pas sur tout le reste. Son boulot d’abord : analyste à la D.G.S.E. Ce métier n’avait en réalité rien à voir avec le romantisme d’aventure véhiculé par le cinéma, ou les romans d’espionnage. Il consistait simplement à étudier, trier, mettre en forme des renseignements que d’autres que lui avaient récoltés sur le terrain. Pour Frédéric, la notion de danger se résumait à sortir ses poubelles quand l’ampoule de sa cage d’escalier était grillée.

La deuxième raison découlait de la première. Trop absorbé par son travail, il n’avait pas vu venir la fin de son couple. Presque sans prévenir, elle était partie avec leur fils voilà plus de cinq ans, le laissant dévasté, le cœur et l’âme brisés. Il n’avait pas cherché à savoir où elle était, ni même si elle l’avait plaqué pour quelqu’un d’autre. Il avait peur de la vérité qu’il risquait de découvrir.

Il était dix-neuf heures passées quand il pénétra dans la ligne 11 du métro. La rame était bondée, et les odeurs corporelles de la fin de la journée étaient autant de signaux que les douches allaient couler.

Frédéric faillit rater son arrêt, Belleville, pour attraper sa correspondance avec la ligne 2, tant son esprit était occupé sur le dossier sur lequel il travaillait en ce moment. Une histoire de trafic d’armes au Proche-Orient. Il venait de réussir à soulever la chape de plomb qui recouvrait cette affaire, et les répercussions lorsqu’il rendrait son rapport risquaient de faire trembler le gouvernement jusqu’à son sommet.

Pourtant il hésitait encore à livrer ses conclusions. Le pays était suffisamment plongé dans le chaos comme ça. Avait-il vraiment besoin d’un nouveau scandale ? Il avait surtout besoin de stabilité, et si son rapport venait à être dévoilé, l’effet serait dévastateur. C’était un véritable dilemme.

Vingt heures venaient de sonner quand Frédéric arriva au pied de son immeuble. Il ne remarqua pas la voiture noire qui partit en trombes lorsqu’il passa le coin de la rue. Des crissements de pneu, il y en avait tellement souvent dans Paris… Ce qui l’alarma, en revanche, ce fut de trouver sa porte entrouverte, la serrure fracturée.

Prudemment il poussa la porte et risqua un œil à l’intérieur. Le désordre qui régnait dans son appartement était indescriptible. Cela lui fit mal de voir cela. Il pénétra doucement. Aucun bruit, aucun son. Il alluma la lumière. Ses affaires n’avaient pas été simplement fouillées, on avait l’impression qu’il y avait eu lutte. Les meubles étaient défoncés, et aucun objet n’était intact, tous jetés au sol. L’horreur le prit par surprise et lui coupa la respiration.

Un corps gisait dans une mare de sang. C’était celui d’un homme aux tempes grisonnantes. Il était vêtu d’un costume de grande marque, et il tenait une petite mallette dont les loquets étaient ouverts. Mais il ne put voir son visage, car il était tourné de l’autre côté, vers le mur.

L’angoisse, la peur et l’horreur à leur apogée, Frédéric s’avança et fit le tour du cadavre. Son incompréhension déjà grande fit un énorme bond quand il découvrit l’identité du mort. Le ministre de la défense, son patron, venait d’être abattu dans son salon.

Le fait qu’il soit aussi une des personnes impliquées dans le trafic d’armes ne lui sauta pas immédiatement à l’esprit. Mais, lentement, une lueur perçait les ténèbres qui venaient de s’abattre sur lui. Une lumière rouge et clignotante, une lumière d’alarme.

Avec le pied, il ouvrit la mallette. Elle était pleine de billets de cinq cents euros.
Il comprit. Il venait d’être projeté au cœur d’une machination, une mascarade dont il serait le gambit.

Au loin, des sirènes de police retentirent. Plus elles s’approchaient, plus elles vrillaient le cerveau de Frédéric.

Dans la plus grande précipitation, il ramassa quelques affaires, se saisit d’une liasse de billets, et quitta son appartement.

Il devait prouver son innocence. Il n’y avait qu’un seul moyen pour cela : confronter les vraies coupables. Se lancer à son tour dans cette partie dont il ne connaissait pas encore les règles.

La peur et les flics aux basques, Frédéric s’enfonça dans les ténèbres de la nuit...

5 commentaires:

  1. Je crois bien que tout ça va aller très loin^^

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  2. Comme Frédéric, je me demande dans quoi nous nous sommes embarqués et comment tout ça va finir...

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  3. Très bien. Ca promet ! Et c'est tant mieux !

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  4. J'édite... histoire de garder le fil de l'histoire... Excellent début

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